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La cour de récréation de l'hôpital de jour Les Lierres

Avec les contes pour enfants atteints de troubles du comportement, « tout est étonnement »

En février dernier Debora a commencé des ateliers de contes pour des enfants présentant des troubles du spectre autistique et/ou des troubles envahissants du développement, « De bouche à oreille », à l’hôpital de jour Les Lierres de Sèvres (92). Elle nous livre ses premières impressions…

Le lien avec les équipes est primordial

J’étais allée plusieurs fois aux Lierres avant ce projet pour conter. Les éducatrices me connaissaient déjà. Elles connaissent aussi les albums que j’ai faits avec Fabienne, ma binôme du duo Huile d’olive et beurre salé, car ils ont beaucoup de succès avec ce public.

Pour construire le projet j’ai travaillé avec une orthophoniste et une éducatrice de l’établissement, Catherine. Nous avons décidé qu’elle m’accompagnerait lors des séances. Donc quand j’arrive, je vais la voir et nous discutons avant de rejoindre la salle de sensorialité où ont lieu les ateliers.

Nous échangeons facilement avec les éducatrices. C’est comme ça que j’ai appris que le matin d’un atelier une petite est allée chercher le pictogramme du conte et l’a mis sur le calendrier : elle attendait ce moment. C’est bon et beau à savoir ! Pendant la récréation des enfants je vais aussi à l’extérieur, dans le jardin, et je parle avec les éducs. J’aime bien ces moments-là.

Après chaque atelier Catherine et moi faisons un bilan. Nous utilisons un tableau d’évolution comparée pour suivre le comportement, l’attention des enfants d’une séance à l’autre. De mon côté je note les moments marquants, ce qui a plus particulièrement plu aux enfants et que je pourrais reproposer la fois d’après.

Le projet plaît aux équipes. En plus comme je travaille sur des contes de dévoration, ça s’articule bien avec leurs ateliers sur l’oralité alimentaire et verbale. Elles s’intéressent à la manière dont mes séances se déroulent car elles vont ensuite le réinvestir dans leurs activités. Ça nourrit le travail des éducs, elles en tirent des indications. Tout là-bas a une valeur éducative.

Tout est pensé pour chaque enfant

Toutes les deux semaines je vois deux groupes de 5 enfants qui ont entre 5 et 9 ans, chacun pendant une demie-heure, avec une pause entre les deux où j’échange avec Catherine. Tout est pensé pour les enfants, même au cas par cas.

Rien qu’au début, pour choisir le support sur lesquels s’asseoir ensemble, ça a été tout une affaire. Car certains étaient mous, les enfants gigotaient dans tous les sens, perdaient l’équilibre, tombaient… On a décidé de prendre des petites chaises pour qu’ils soient plus stables et concentrés.

Avec ces enfants, il faut tout ritualiser. Ainsi avec chaque groupe nous commençons par un jeu qui leur permet de se représenter leur schéma corporel : on salue les parties du corps tout à tour pour mieux les situer et entrer ensemble dans la séance. « Bonjour la tête, bonjour les yeux, la bouche, le buste, les bras, les mains… »

Puis je raconte deux histoires simplifiées, issues de mon répertoire ou celui du duo. L’idée c’est de partir d’un conte simple comme « La Petite Poule rousse » et voir comment chaque enfant peut le raconter à sa manière, le réinvestir à travers le dessin, des gestes, etc.

Dans le même temps, avec les éducatrices, les référentes de chaque enfant, l’orthophoniste… nous réfléchissons à l’amélioration des ateliers. Par exemple, de nouveaux pictogrammes pour aider les non verbaux à raconter aussi.

Des réactions magiques

J’utilise des contes pour avoir peur, par exemple avec un loup. Les « randonnées » fonctionnent vraiment bien. Ce sont des contes à répétition et cumulation, comme « Roule galette » qui est très connu : une galette croise toute une série de personnages qui veulent la manger et, à chaque nouvelle rencontre, énumère les personnages auxquels elle a déjà échappé… Jusqu’au rusé renard !

Avec Fabienne nous en avons fait une version italo-bretonne, avec une pizza et une crêpe qui chantent gaillardement leur envie de rouler et d’être libres ! Les enfants me l’ont demandée parce qu’ils avaient déjà le livre.

Entre les deux histoires j’intercale une comptine qui permet de bouger de façon encadrée. J’utilise une ronde italienne en italien et en français où on tourne en rond, on tombe par terre, puis on se relève et on recommence ! D’ailleurs les enfants réagissent à l’italien, et aux langues étrangères en général. Je pense que certains en entendent à la maison.

Sur les deux séances menées depuis janvier, ils ont été assez attentifs. Et parfois il peut y avoir des réactions assez magiques. Comme quand l’un d’eux s’est mis à chanter « Girotondo girotondo ! » sur la ronde italienne. Ou, la dernière fois, quand un garçon s’est mis à répéter haut et fort « Pas moi ! Pas moi ! » à la manière du coq et du dindon de l’histoire.

C’est d’autant plus beau que pour ces enfants, ce n’est pas si simple en fait de réagir et participer.

« Je vais continuer à être surprise »

Avec ce projet, tout est étonnement. Parce que le jour même tu ne sais pas comment tu vas trouver les enfants : est-ce qu’ils vont être disponibles ? Est-ce qu’ils vont être à l’aise ? Est-ce qu’il vont être agressifs ? Dispersés ?

Quand tu t’attends à ce que l’un d’eux ne parle pas, parce qu’aujourd’hui c’est compliqué, il va justement te surprendre en racontant l’histoire ! C’est génial ! Tu es agréablement surpris aussi quand cette petite qui d’habitude frappe des mains très fort pendant l’atelier, ne le fais pas : tu comprends qu’elle se sent bien.

Pendant l’atelier tu es hyper attentif, c’est une concentration extrême. C’est une heure où je dépense énormément d’énergie. Comme conteuse dans les écoles, les médiathèques, j’ai l’habitude d’avoir des échanges spontanés, sans faire particulièrement attention. Mais là je ne sais jamais comment ça va se passer, donc je dois être à la fois très souple et très présente.

D’une quinzaine à l’autre je ne sais pas non plus comment je vais les retrouver. Quand j’arrive, je ne sais même pas s’ils seront tous présents, car parfois ils font des crises et ne peuvent pas venir. Je ne sais pas si mon regard sur eux, mon attitude, ma manière de faire vont évoluer. Mais ce sont des enfants qui me touchent énormément et je pense que je vais continuer à être surprise !

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